Marseille : elles veulent le corps de Kim Kardashian
Marie Claire, publié le 07/09/2016
Par Christian Marinetti
Par Coralie Bonnefoy. Photos France Keyser.
Dans les salons de coiffure (ici sur le boulevard National), on parle beaucoup de chirurgie plastique.
Le cas Kim Kardashian y est souvent évoqué.
Dans les quartiers nord, la chirurgie plastique connaît un succès sans précédent.
Notamment auprès des femmes d’origine maghrébine pour qui injections et implants mammaires sont devenus la norme, malgré des revenus modestes.
Sur fond de téléréalité et de revanche sociale.
« Ce n’est pas légal, mais je le voulais absolument. »
Myriam a la beauté et l’entêtement de ses 16 ans. Il y a deux semaines, un chirurgien pratiquait trois injections dans sa lèvre inférieure.
Sur la dose d’acide hyaluronique, facturée 350 €, seule la moitié a été utilisée : « Le reste, je pourrai l’ajouter plus tard », anticipe la fille.
Aux murs de sa chambre, un ticket de concert du groupe One Direction, des photos de Cara Delevingne et de Justin Bieber voisinent avec des selfies de copains.
Myriam se love sur son lit, Queen, son petit chien blanc, à son côté. Elle ourle ses lèvres d’un rouge nude et mat siglé Kylie Jenner, la benjamine de la tribu Kardashian.
Sa source d’inspiration : « Kylie a un style que j’aime… Elle est facile à utiliser comme modèle », assure Myriam.
Dans la maison familiale du 13e arrondissement, micro-bout de campagne enserré de petits immeubles fatigués, la lycéenne marseillaise aux racines marocaines s’essaie au blogging mode, beauté, people, passe pas mal de temps sur Instagram et regarde la chaîne E ! en continu.
« Les émissions américaines ou britanniques sont moins débiles que les françaises », garantit Myriam, fan de L’incroyable famille Kardashian et de Geordie Shore.
« Les Kardashian, je les trouve un peu connes, mais elles sont vraiment jolies… »
Prochaine étape : à sa majorité, se faire remodeler les fesses. Une pose d’implants qu’elle promet raisonnables. « Pas comme Nicki Minaj, quoi », rigole-t-elle.
Les quartiers nord de Marseille : quatre arrondissements (13e, 14e, 15e et 16e) qui concentrent près d’un tiers de la population de la ville.
Quelque 250 000 personnes réparties au gré de noyaux villageois modestes et de grands ensembles.
Des cités toujours vues à travers le prisme de leur misère sociale, des réseaux de drogue, des meurtres à la « kalach » et de la radicalisation religieuse…
Ici, les femmes sont de plus en plus nombreuses à avoir recours à des actes de médecine et de chirurgie plastiques.
Une balade dans le centre commercial du coin, où Malika donne rendez-vous, suffit pour s’en convaincre.
Cheveux relevés en queue de cheval, cette femme au foyer, mère de cinq enfants, est venue en voisine de la cité La Viste (15e). Bien dans ses baskets, elle arbore une poitrine de jeune femme sous son col roulé moulant, un ventre plat (liposucé) et des sillons nasogéniens comblés.
D’emblée, elle fracasse les idées toutes faites : « Je → m’assume en tant que femme, marseillaise, arabe, musulmane… avec les seins refaits. »
L’islam, la brune piquante le tempère : « En Algérie, je me voile. C’est normal, c’est une question de respect. Mais si je vais au mariage de ma soeur, je mets une robe sexy. Je me sens très à l’aise avec tout ça, en accord avec ma foi. »
Le cliché des femmes qui pleurent leurs hommes tombés dans des règlements de compte, Nadia, la soeur de Malika, l’évacue tout aussi rapidement. « Bien sûr que ça existe. Mais il n’y a pas que ça. Nous, on n’est pas soumises, on travaille et on se fait plaisir, aussi », lâche, un rien agacée, cette belle femme de 35 ans qui gère l’institut de beauté Glamour, sur le boulevard National (3e).
Ici, le bonheur prend la forme d’un triptyque marseillais revendiqué : implants mammaires, injections labiales et maquillage tatoué.
Bouche carmin, cheveux charbon, Nadia reconnaît avoir réduit ses seins, bénéficié d’implants, pour 5 075 € dans une clinique du centre-ville, et fait repulper ses lèvres. Ses sourcils noirs arqués, permanents, lui donnent un côté Kim Kardashian.
Dans l’institut, la tchatche locale vire à la bataille rangée sur le cas Kim. Gania, la coiffeuse voilée, lève les yeux au ciel et peste qu’ « elle est toute refaite ! »
En 2016, les secteurs populaires pèsent pour plus de 30 % dans la patientèle de la Clinique Phénicia
Dans le hall de la Clinique Phénicia, dans le 5e, une plaque détaille les spécialités offertes par cet établissement posé en plein centre, à quarante minutes de la cité la plus proche.
Vouée à la chirurgie et à la médecine esthétique, avec sa vingtaine de chambres, elle ciblait, à sa création, en 2001, une clientèle bourgeoise.
« Il y a dix ans, nous n’avions pas de patients venus des quartiers nord.
La chirurgie plastique a été très relayée par les médias, la télé et Internet, et on a vu arriver des Maghrébines, des femmes voilées ou non », note le docteur Christian Marinetti, cofondateur de l’établissement.
Pour draguer ces patients potentiels, la téléréalité fait office d’outil marketing en or massif.
Veste blanche sur jean troué, main de Fatma au cou, Kayna, 26 ans, déboule du 15e arrondissement pour recevoir des injections dans les lèvres.
Elle dégaine son smartphone, le glisse sous le nez du praticien. « Je veux que ça soit pulpeux, comme elle : c’est Milla Jasmine, des Princes de l’amour. »
Et lorsqu’Adixia (des émissions de téléréalité Les Ch’tis, Les Marseillais…) subit une rhinoplastie, elle pose au côté de son chirurgien et fait tourner le cliché sur les réseaux sociaux.
« Désormais l’acte n’est plus tabou, savoure le porte-parole de l’établissement.
Avec une parution de cet ordre, j’ai dix appels par jour de jeunes femmes qui vivent dans les cités. »
La révolution a d’abord eu un (pré)nom : Nabilla, en 2013.
« D’un coup elles se sont toutes mises à faire extensions, faux ongles, maquillage permanent », se souvient Nora Preziosi, conseillère régionale (Les Républicains), adjointe au maire de Marseille et ancienne habitante de la cité FontVert (14e).
« La téléréalité est basée sur des caricatures de féminité et de masculinité. La pub, la mode, les clips, la pornographie ont aussi leur impact. Un certain nombre d’individus prend les injonctions de ces normes au premier degré », analyse Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8.
Sonia, fonctionnaire de 33 ans, s’excuse ; elle a les yeux « tout bouffis », après une séance d’eye-liner permanent.
Originaire des Flamants, dans le 14e, elle rajuste son T-shirt rose sur sa belle poitrine arrondie. Il y a huit mois, elle est passée d’un bonnet « moins que A » à un D bien garni.
« Moi je ne suis pas dans l’ostentation. Je n’ouvre pas ma chemise jusqu’au nombril pour montrer que j’ai des seins à 4 000 €, jure la jeune femme.
Dans les quartiers, c’est beaucoup ça. La chirurgie ça veut dire : “Regardez-moi, je l’ai fait, j’ai de l’argent !” »
Sénatrice et maire (socialiste) des 15e et 16e arrondissements, Samia Ghali confirme la puissance du phénomène dans des quartiers pourtant lourdement englués dans la crise.
« Ces secteurs connaissent une vraie misère. La population, souvent, ne part pas en vacances, n’est pas propriétaire.
Pour la chirurgie, les femmes économisent, trouvent le budget. »
Sonia, pour ses nouveaux seins, a souscrit un emprunt.
D’autres franchissent la Méditerranée afin de se faire opérer en Tunisie, au Maroc, où les tarifs sont plus abordables.
Dans une clinique des beaux quartiers, on voit aussi débarquer une nouvelle clientèle. Celle qui, issue du nord de la ville, règle en liquide. « Ça, les chirurgiens, ils aiment bien », s’amuse une femme qui entretient son corps à coups de bistouri. « La liasse de 5 000 €, tu crois qu’il va la déclarer, le chirurgien ? interroge-t-elle.
Avant, ils ne faisaient pas trop confiance aux Arabes… Maintenant, ils nous déroulent le tapis rouge !
Les femmes des réseaux, elles se font toute la panoplie, et elles paient cash. »
Entre adeptes du système D, on se refile aussi les bons plans.
Il y a, par exemple, la « copine qui pique ». Dans l’anonymat d’un pavillon de la périphérie marseillaise, on reçoit, dans la plus pure illégalité, des injections de Botox, d’acide hyaluronique… Nul besoin de plaque dorée à la porte, le bouche à oreille suffit.
Le prix, également. A partir de 100 € la piqûre. Trois fois moins qu’en clinique.
Blonde au sourire ravageur, Leila a un faux air de Kim Wilde.
A 52 ans, elle confesse des injections au Restylane de temps en temps, pratiquées par sa « copine qui pique ». Elle cumule aussi réduction de l’estomac, augmentation mammaire, liftings du ventre et chirurgie des paupières.
Elle vient de faire remplacer ses prothèses. Elle a testé, sans succès, le fil d’or qui tire la peau.
« En dix ans, j’ai dû dépenser entre 10 000 et 15 000 €. Tout mon fric y passe », convient cette employée municipale.
Avant de rentrer dans son HLM, à Saint-André (16e), Leila réfléchit : « Bien sûr qu’il y a de la revanche sociale là-dedans. Je ne supporte pas d’être ignorée. Ça vient de l’enfance, du rapport à mon père. Au fond, je ne me suis jamais aimée. »
La chirurgie, vecteur d’épanouissement ? « Pourquoi pas ? » rétorque-t-elle.
Dans l’institut Glamour, Nadia prolonge : « Qu’est-ce qu’elles croient, les bourgeoises ? Que ce n’est pas pour nous ? On va économiser sur une année entière, et puis on va s’offrir un truc qu’on aime, un bijou, un sac. Pour la chirurgie, c’est pareil. »
Une consommation comme une autre, en somme.
Pour faire de son corps un outil d’ascension sociale.
La logique renvoie aux plages brésiliennes, et aux Cariocas loin d’être riches mais aux courbes parfaites.
« L’analogie avec le Brésil fonctionne », admet le docteur Richard Abs.
Ce Marseillais présidera l’an prochain la Société française des chirurgiens esthétiques plasticiens et organisera le congrès national de la profession dans sa ville.
Marseille, ce nouveau Rio.
Dans les salons de coiffure (ici sur le boulevard National), on parle beaucoup de chirurgie plastique.
Le cas Kim Kardashian y est souvent évoqué.
Dans les quartiers nord, la chirurgie plastique connaît un succès sans précédent.
Notamment auprès des femmes d’origine maghrébine pour qui injections et implants mammaires sont devenus la norme, malgré des revenus modestes.
Sur fond de téléréalité et de revanche sociale.
« Ce n’est pas légal, mais je le voulais absolument. »
Myriam a la beauté et l’entêtement de ses 16 ans. Il y a deux semaines, un chirurgien pratiquait trois injections dans sa lèvre inférieure.
Sur la dose d’acide hyaluronique, facturée 350 €, seule la moitié a été utilisée : « Le reste, je pourrai l’ajouter plus tard », anticipe la fille.
Aux murs de sa chambre, un ticket de concert du groupe One Direction, des photos de Cara Delevingne et de Justin Bieber voisinent avec des selfies de copains.
Myriam se love sur son lit, Queen, son petit chien blanc, à son côté. Elle ourle ses lèvres d’un rouge nude et mat siglé Kylie Jenner, la benjamine de la tribu Kardashian.
Sa source d’inspiration : « Kylie a un style que j’aime… Elle est facile à utiliser comme modèle », assure Myriam.
Dans la maison familiale du 13e arrondissement, micro-bout de campagne enserré de petits immeubles fatigués, la lycéenne marseillaise aux racines marocaines s’essaie au blogging mode, beauté, people, passe pas mal de temps sur Instagram et regarde la chaîne E ! en continu.
« Les émissions américaines ou britanniques sont moins débiles que les françaises », garantit Myriam, fan de L’incroyable famille Kardashian et de Geordie Shore.
« Les Kardashian, je les trouve un peu connes, mais elles sont vraiment jolies… »
Prochaine étape : à sa majorité, se faire remodeler les fesses. Une pose d’implants qu’elle promet raisonnables. « Pas comme Nicki Minaj, quoi », rigole-t-elle.
Les quartiers nord de Marseille : quatre arrondissements (13e, 14e, 15e et 16e) qui concentrent près d’un tiers de la population de la ville.
Quelque 250 000 personnes réparties au gré de noyaux villageois modestes et de grands ensembles.
Des cités toujours vues à travers le prisme de leur misère sociale, des réseaux de drogue, des meurtres à la « kalach » et de la radicalisation religieuse…
Ici, les femmes sont de plus en plus nombreuses à avoir recours à des actes de médecine et de chirurgie plastiques.
Une balade dans le centre commercial du coin, où Malika donne rendez-vous, suffit pour s’en convaincre.
Cheveux relevés en queue de cheval, cette femme au foyer, mère de cinq enfants, est venue en voisine de la cité La Viste (15e). Bien dans ses baskets, elle arbore une poitrine de jeune femme sous son col roulé moulant, un ventre plat (liposucé) et des sillons nasogéniens comblés.
D’emblée, elle fracasse les idées toutes faites : « Je → m’assume en tant que femme, marseillaise, arabe, musulmane… avec les seins refaits. »
L’islam, la brune piquante le tempère : « En Algérie, je me voile. C’est normal, c’est une question de respect. Mais si je vais au mariage de ma soeur, je mets une robe sexy. Je me sens très à l’aise avec tout ça, en accord avec ma foi. »
Le cliché des femmes qui pleurent leurs hommes tombés dans des règlements de compte, Nadia, la soeur de Malika, l’évacue tout aussi rapidement. « Bien sûr que ça existe. Mais il n’y a pas que ça. Nous, on n’est pas soumises, on travaille et on se fait plaisir, aussi », lâche, un rien agacée, cette belle femme de 35 ans qui gère l’institut de beauté Glamour, sur le boulevard National (3e).
Ici, le bonheur prend la forme d’un triptyque marseillais revendiqué : implants mammaires, injections labiales et maquillage tatoué.
Bouche carmin, cheveux charbon, Nadia reconnaît avoir réduit ses seins, bénéficié d’implants, pour 5 075 € dans une clinique du centre-ville, et fait repulper ses lèvres. Ses sourcils noirs arqués, permanents, lui donnent un côté Kim Kardashian.
Dans l’institut, la tchatche locale vire à la bataille rangée sur le cas Kim. Gania, la coiffeuse voilée, lève les yeux au ciel et peste qu’ « elle est toute refaite ! »
En 2016, les secteurs populaires pèsent pour plus de 30 % dans la patientèle de la Clinique Phénicia
Dans le hall de la Clinique Phénicia, dans le 5e, une plaque détaille les spécialités offertes par cet établissement posé en plein centre, à quarante minutes de la cité la plus proche.
Vouée à la chirurgie et à la médecine esthétique, avec sa vingtaine de chambres, elle ciblait, à sa création, en 2001, une clientèle bourgeoise.
« Il y a dix ans, nous n’avions pas de patients venus des quartiers nord.
La chirurgie plastique a été très relayée par les médias, la télé et Internet, et on a vu arriver des Maghrébines, des femmes voilées ou non », note le docteur Christian Marinetti, cofondateur de l’établissement.
Pour draguer ces patients potentiels, la téléréalité fait office d’outil marketing en or massif.
Veste blanche sur jean troué, main de Fatma au cou, Kayna, 26 ans, déboule du 15e arrondissement pour recevoir des injections dans les lèvres.
Elle dégaine son smartphone, le glisse sous le nez du praticien. « Je veux que ça soit pulpeux, comme elle : c’est Milla Jasmine, des Princes de l’amour. »
Et lorsqu’Adixia (des émissions de téléréalité Les Ch’tis, Les Marseillais…) subit une rhinoplastie, elle pose au côté de son chirurgien et fait tourner le cliché sur les réseaux sociaux.
« Désormais l’acte n’est plus tabou, savoure le porte-parole de l’établissement.
Avec une parution de cet ordre, j’ai dix appels par jour de jeunes femmes qui vivent dans les cités. »
La révolution a d’abord eu un (pré)nom : Nabilla, en 2013.
« D’un coup elles se sont toutes mises à faire extensions, faux ongles, maquillage permanent », se souvient Nora Preziosi, conseillère régionale (Les Républicains), adjointe au maire de Marseille et ancienne habitante de la cité FontVert (14e).
« La téléréalité est basée sur des caricatures de féminité et de masculinité. La pub, la mode, les clips, la pornographie ont aussi leur impact. Un certain nombre d’individus prend les injonctions de ces normes au premier degré », analyse Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8.
Sonia, fonctionnaire de 33 ans, s’excuse ; elle a les yeux « tout bouffis », après une séance d’eye-liner permanent.
Originaire des Flamants, dans le 14e, elle rajuste son T-shirt rose sur sa belle poitrine arrondie. Il y a huit mois, elle est passée d’un bonnet « moins que A » à un D bien garni.
« Moi je ne suis pas dans l’ostentation. Je n’ouvre pas ma chemise jusqu’au nombril pour montrer que j’ai des seins à 4 000 €, jure la jeune femme.
Dans les quartiers, c’est beaucoup ça. La chirurgie ça veut dire : “Regardez-moi, je l’ai fait, j’ai de l’argent !” »
Sénatrice et maire (socialiste) des 15e et 16e arrondissements, Samia Ghali confirme la puissance du phénomène dans des quartiers pourtant lourdement englués dans la crise.
« Ces secteurs connaissent une vraie misère. La population, souvent, ne part pas en vacances, n’est pas propriétaire.
Pour la chirurgie, les femmes économisent, trouvent le budget. »
Sonia, pour ses nouveaux seins, a souscrit un emprunt.
D’autres franchissent la Méditerranée afin de se faire opérer en Tunisie, au Maroc, où les tarifs sont plus abordables.
Dans une clinique des beaux quartiers, on voit aussi débarquer une nouvelle clientèle. Celle qui, issue du nord de la ville, règle en liquide. « Ça, les chirurgiens, ils aiment bien », s’amuse une femme qui entretient son corps à coups de bistouri. « La liasse de 5 000 €, tu crois qu’il va la déclarer, le chirurgien ? interroge-t-elle.
Avant, ils ne faisaient pas trop confiance aux Arabes… Maintenant, ils nous déroulent le tapis rouge !
Les femmes des réseaux, elles se font toute la panoplie, et elles paient cash. »
Entre adeptes du système D, on se refile aussi les bons plans.
Il y a, par exemple, la « copine qui pique ». Dans l’anonymat d’un pavillon de la périphérie marseillaise, on reçoit, dans la plus pure illégalité, des injections de Botox, d’acide hyaluronique… Nul besoin de plaque dorée à la porte, le bouche à oreille suffit.
Le prix, également. A partir de 100 € la piqûre. Trois fois moins qu’en clinique.
Blonde au sourire ravageur, Leila a un faux air de Kim Wilde.
A 52 ans, elle confesse des injections au Restylane de temps en temps, pratiquées par sa « copine qui pique ». Elle cumule aussi réduction de l’estomac, augmentation mammaire, liftings du ventre et chirurgie des paupières.
Elle vient de faire remplacer ses prothèses. Elle a testé, sans succès, le fil d’or qui tire la peau.
« En dix ans, j’ai dû dépenser entre 10 000 et 15 000 €. Tout mon fric y passe », convient cette employée municipale.
Avant de rentrer dans son HLM, à Saint-André (16e), Leila réfléchit : « Bien sûr qu’il y a de la revanche sociale là-dedans. Je ne supporte pas d’être ignorée. Ça vient de l’enfance, du rapport à mon père. Au fond, je ne me suis jamais aimée. »
La chirurgie, vecteur d’épanouissement ? « Pourquoi pas ? » rétorque-t-elle.
Dans l’institut Glamour, Nadia prolonge : « Qu’est-ce qu’elles croient, les bourgeoises ? Que ce n’est pas pour nous ? On va économiser sur une année entière, et puis on va s’offrir un truc qu’on aime, un bijou, un sac. Pour la chirurgie, c’est pareil. »
Une consommation comme une autre, en somme.
Pour faire de son corps un outil d’ascension sociale.
La logique renvoie aux plages brésiliennes, et aux Cariocas loin d’être riches mais aux courbes parfaites.
« L’analogie avec le Brésil fonctionne », admet le docteur Richard Abs.
Ce Marseillais présidera l’an prochain la Société française des chirurgiens esthétiques plasticiens et organisera le congrès national de la profession dans sa ville.
Marseille, ce nouveau Rio.